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Les propos de Lamartine que les musulmans se gardent de citer

Dans le livret « Que disent-ils du Prophète Muhammad ? »(1) publié par le bureau de prêche de Rabwah (Riyad), Lamartine est cité mais, tout comme sur les sites web musulmans qui montrent d'autres extraits autour de la même page, deux passages sont omis et passés sous silence, laissant penser que Lamartine n'émet aucune critique. Voici donc la citation entière, avec en vert les remarques dépréciatives laissées de côté.

Dans la première, Lamartine affirme en substance que Mahomet ne faisait que délirer et que les Arabes le crurent car ils étaient crédules. Dans la seconde, Lamartine dresse un bref réquisitoire contre la violence de Mahomet et affirme que Jésus était un plus grand homme que lui et avait une meilleure morale.

Quant au reste, aux éloges dithyrambiques de Lamartine envers Mahomet, voir l'article Lamartine et Mahomet de Léonie Vancampendonck.

Le poète Alphonse de Lamartine écrit en 1854 dans son Histoire de la Turquie (2) :

« Telles furent la vie, la mission et la mort de Mahomet.

Jamais homme ne se proposa volontairement ou involontairement un but plus sublime, puisque ce but était surhumain : saper les superstitions interposées entre la créature et le Créateur, rendre Dieu à l'homme et l'homme à Dieu, restaurer l'idée rationnelle et sainte de la divinité dans ce chaos de dieux matériels et défigurés de l'idolâtrie.

Jamais homme n'entreprit, avec si faibles moyens, une œuvre si démesurée aux forces humaines, puisqu'il n'a eu, dans la conception et dans l'exécution d'un si grand dessein, d'autre instrument que lui-même, et d'autres auxiliaires qu'une poignée de barbares dans un coin du désert.

Enfin jamais homme n'accomplit en moins de temps une si immense et si durable révolution dans le monde, puisque, moins de deux siècles après sa prédication, l'islamisme prêché et armé régnait sur les trois Arabies, conquérait à l'unité de Dieu la Perse, le Khorasan, la Transoxiane, l'Inde occidentale, la Syrie, l'Egypte, l'Ethiopie, tout le continent connu de l'Afrique septentrionale, plusieurs des îles de la Méditerranée, l'Espagne et une partie de la Gaule.

Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, et l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Muhammad ? Les plus fameux n'ont remué que des armes, des lois, des empires ; ils n'ont fondé (quand ils ont fondé quelque chose) que des puissances matérielles écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d'hommes sur un tiers du globe habité ; mais il a remué de plus des autels, des dieux, des religions, des idées, des croyances, des âmes ; il a fondé sur un Livre dont chaque lettre est devenue loi une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toute langue et de toute race, et il a imprimé, pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane, la haine des faux dieux, et la passion du Dieu Un et immatériel.

Ce patriotisme, vengeur des profanations du ciel, fut la vertu des enfants de Muhammad; la conquête du tiers de la terre à son dogme fut son miracle, ou plutôt ce ne fut pas le miracle d'un homme, ce fut celui de la raison. L'idée de l'unité de Dieu, proclamée dans la lassitude des théogonies fabuleuses, avait en elle-même une telle vertu, qu'en faisant explosion sur ses lèvres elle incendia tous les vieux temples des idoles et alluma de ses lueurs un tiers du monde ;

Cet homme était-il un imposteur ? Nous ne le pensons pas après avoir bien étudié son histoire. L'imposture est l'hypocrisie de la conviction. L'hypocrisie n'a pas la puissance de la conviction comme le mensonge n'a jamais la puissance de la vérité.

Si la force de projection est en mécanique la mesure exacte de la force d'impulsion, l'action est de même en histoire la mesure de la force d'inspiration. Une pensée qui porte si haut, si loin, et si longtemps, est une pensée bien forte ; pour être si forte, il faut qu'elle ait été bien sincère et bien convaincue.

L'inspiration intérieure de Mahomet fut sa seule imposture. Il y avait deux hommes en lui, l'inspiré de la raison et le visionnaire de l'extase. Les inspirations du philosophe furent aidées à son insu par les visions du malade. Ses songes, ses délires, ses évanouissements pendant lesquels son imagination traversait le ciel et conversait avec des êtres imaginaires, lui faisaient à lui-même les illusions qu'il faisait aux autres. La crédulité arabe inventa le reste.

Mais sa vie, son recueillement, ses blasphèmes héroïques contre les superstitions de son pays, son audace à affronter les fureurs des idolâtres, sa constance à les supporter quinze ans à la Mecque, son acceptation du rôle de scandale public et presque de victime parmi ses compatriotes, sa fuite enfin, sa prédication incessante, ses guerres inégales, sa confiance dans les succès, sa sécurité surhumaine dans les revers, sa longanimité dans la victoire, son ambition toute d'idée, nullement d'empire, sa prière sans fin, sa conversation mystique avec Dieu, sa mort et son triomphe après le tombeau attestent, plus qu'une imposture, une conviction. Ce fut cette conviction qui lui donna la puissance de restaurer un dogme… Ce dogme était double : l'unité de Dieu et l'immatérialité de Dieu ; l'un disait ce que Dieu est, l'autre disait ce qu'Il n'est pas, l'un renversant avec le sabre des dieux mensongers, l'autre inaugurant avec la parole une idée ! Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d'idées, restaurateur des dogmes rationnels, d'un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d'un empire spirituel, voilà Muhammad ! À toutes les échelles où l'on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ? »

Il n'y a de plus grand que celui qui, en proclamant avant lui le même dogme, avait promulgué en même temps une morale plus pure, qui n'avait pas tiré l'épée pour aider la parole, seul glaive de l'esprit, qui avait donné son sang au lieu de répandre celui de ses frères, et qui avait été martyr au lieu d'être conquérant. Mais celui-là, les hommes l'ont jugé trop grand pour être mesuré à la mesure des hommes et si sa nature humaine et sa doctrine l'ont fait prophète, même parmi les incrédules, sa vertu et son sacrifice l'ont fait Dieu !

Le traducteur du livret a noté en bas de page :

Chrétien, Alphonse de Lamartine avait des doutes concernant la prophétie de Muhammad , mais ceci ne l’empêcha pas de le considérer comme le meilleur homme dans l’échelle de la grandeur humaine. NdT.

Comme nous le voyons dans les passages omis, c'est faux.

Références et notes

(1) Khâlid Abou Sâlih, Que disent-ils du Prophète Muhammad  ? Témoignages d’hommes de science et de penseurs occidentaux, traduction et adaptation : Abu Hamza Al-Germâny, éd. Madar Al-Watan, <islamway.net>.

(2) Lamartine, Histoire de la Turquie, Paris, 1854, tome 1, p. 276-280, gallica.bnf.fr.

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